samedi 15 novembre 2003

diversité des genres vidéoludiques : quelle analyse ?

La difficulté à laquelle s’affrontent tous ceux qui cherchent à comprendre l’expérience vidéoludique est celle de se fonder sur une méthode d’analyse suffisamment solide pour pouvoir traiter des différents genres.
Un exercice de l’esprit fort stimulant consiste à se demander ce qu’ont en commun des objets aussi particuliers que des jeux de plate-forme, des jeux d’aventure ou des jeux de simulation de vie. Peut-on se contenter de faire référence à une théorie générale des jeux ? Peut-on se satisfaire d’évoquer la commune matière d’image actée et programmée dont sont faits ces jeux vidéo ? A ce niveau de généralité, il est douteux que l’on parvienne à spécifier l’expérience que ces objets suscitent.
Au point où nous en sommes, on doit alors plutôt postuler que chaque œuvre vidéoludique –ou du moins chaque type d’œuvre-  installe ses propres régularités d’action, détermine ses propres schèmes perceptifs, établit de manière spécifique des rapports avec les objets. 
La diversité des œuvres et des procédés n’invalide pas pour autant la possibilité d’établir une analyse du jeu vidéo . Elle balise simplement la tâche qui incombe maintenant à la critique, celle de repérer des constantes et des différences, celle d’inventorier des procédés, de mettre à jour les inventions, de distinguer les styles.

samedi 8 novembre 2003

sciences du jeu, sciences du jouet ?

Pour comprendre l’expérience du jeu vidéo, nous portons une attention croisée à l’objet ludique et à l’activité qu’il suscite. Voilà qui nous rapproche singulièrement des méthodes que nous pouvons utiliser en sciences du jeu pour décrire différentes sortes d’objets à jouer,  de poupées, de marionnettes, de mannequins, de figurines, et autres transformers. Quelle est la matière de tel objet, quel est la forme qu’il prend, quel est le mécanisme qui l’anime, quels sont ses composantes symboliques, quel champ d’activité suscite-t-il ?
Mais les joueurs adultes, en quête d’ennoblissement pour leur média favori,  sont fréquemment choqués que l’on utilise pour le jeu vidéo ces références à des méthodes d’analyse qu’on applique aux jouets des enfants. Etienne Armand Amato reflète, sans doute involontairement, cette méfiance à l’égard du jouet qu’on retrouve dans diverses expressions françaises  (casser son jouet, être le pantin ou la marionnette de quelqu’un). L’étude des objets à jouer tangibles (les jouets) constitue pourtant une bonne propédeutique pour qui veut comprendre le jeu vidéo, ne serait-ce qu’en lui apprenant à distinguer l’affordance des objets et les manipulations qu’elles appellent. Elle constitue un champ d’inspiration pour une critique ludologique sans doute aussi riche que celui de l’analyse cinématographique ou littéraire.

mercredi 5 novembre 2003

Un ancêtre ignoré du jeu vidéo : le livre animé

Les images du jeu vidéo peuvent avoir de grandes ressemblances avec celles du livre, de la bande dessinée, de l’album pour enfant ou du dessin animé. Mais nous savons que ces images ne sont pas de même nature. Avec Jean-Louis Weissberg et Pierre Barboza,  nous les avons désignées sous le nom d’images actées, terme que nous préférons à celui d’images interactives.
Ces images, émergeant des fonds opaques de la programmation informatique, se déclenchent et s’animent en surface sous les actes, désignations et commandes de l’utilisateur. Elle sont à la fois images générées par des actes et images suscitant des actes.
Dans l’univers du livre imprimé, l’image est fixe, figée une fois pour toute dans sa représentation. Il est pourtant quelques exceptions, que les curieux connaissent. Ce sont les livres animés, appelés aussi livres à système ou pop-up, le plus souvent destinés aux enfants.
Une petite idées de ce genre de livres sur ce bon site

http://www.livresanimes.com/techniques/techniques1.html

On pourrait considérer que les images actées constituent une sorte de perfectionnement des procédés usités dans les livres animés.  Dans ces objets, l’image demande  qu’on la pousse, qu’on la tire, qu’on la déplie, qu’on la gratte. Elle contient en elle non seulement un potentiel d’interprétation mais également un champ restreint d’action gestuelle offert à son utilisateur.  L’image du livre animé présente la caractéristique d’être directement perçue pour être agie, appelant à elle des gestes spécifiques. Elle participe au déploiement de l’univers fictionnel en se prêtant à une gamme réglée de transformations ou de dévoilements.
Si les images actées, dans le jeu vidéo, sont, elles aussi, des images à ouvrir, l’art de la programmation informatique les a rendu foisonnantes et diverses. Une variété jusqu’alors inconnue de liaisons entre les images et les gestes s’est fait jour.
Chaque genre de jeu vidéo (ou plus largement de ludiciel)  a ouvert une voie originale en développant sa propre manière de jouer avec l’image actée, sa propre façon de coupler les actions de l’utilisateur et le spectacle auquel il assiste.. Elle a transformé les gestes-sur-l’image en des boucles gestes-images-gestes qui peuvent être enchaînées séquentiellement, permettant ainsi de créer une continuité narrative et donnant à l’image actée une véritable densité temporelle. L’amplification réalisée par la programmation informatique a également ouvert à une variété jusqu’alors inconnue de liaisons entre les actes et les images, allant bien au delà des images à ouvrir, à déployer, à recomposer qu’avaient inventés les livres-jouets.